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Mise à jour : Sans grande surprise, la proposition de loi d’Éric Bocquet a été rejetée hier par le Sénat. Le gouvernement a clairement indiqué par la voix de Christian Eckert qu’il y était défavorable, mais que de nouvelles discussions pourraient avoir lieu lors de l’examen du projet de loi « Sapin II » – « en vue d’assurer au plus vite la transposition du projet de directive » relative à la transparence des multinationales.
Le Sénat se prononcera demain sur la proposition de loi communiste contraignant les principales sociétés françaises – à commencer par celles cotées au CAC40 – à publier de précieuses informations sur leurs activités (impôts payés par pays, subventions reçues, chiffre d’affaires, etc.). Un texte que la Haute assemblée devrait toutefois rejeter.
Alors que les « Panama Papers » et l’affaire « LuxLeaks » font les gros titres depuis plusieurs semaines, la commission des finances a rejeté mercredi 11 mai le texte déposé en février dernier par les sénateurs du groupe communiste. Menés par Éric Bocquet, ces élus demandaient à ce que les principales entreprises françaises publient, « pour chaque État ou territoire », les informations suivantes :
- Dénominations, nature des activités et localisation géographique.
- Chiffre d’affaires.
- Résultat d’exploitation avant impôt.
- Impôts payés sur le résultat.
- Subventions publiques reçues.
- Nombre de salariés sur une base équivalent temps plein.
- Valeur des actifs et coût annuel de la conservation desdits actifs.
- Ventes et achats.
Afin de mieux cerner les pratiques d’optimisation fiscale de certaines multinationales, toutes les sociétés cotées en bourse seraient visées par ces nouvelles obligations, ainsi que celles qui remplissent au moins deux des trois critères suivants : un bilan de plus de 20 millions d’euros, un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros ou un nombre moyen de salariés dépassant les 250 personnes. Au cas où certains traîneraient des pieds, le texte prévoit que toute personne, morale ou physique, pourrait saisir le tribunal de commerce.
La proposition de directive de la Commission européenne chamboule l’examen du texte
L’annonce, le mois dernier par la Commission européenne, de l’instauration d’un dispositif analogue valable au sein des vingt-huit États membres est toutefois venu troubler le parcours législatif de cette proposition de loi. « Le contexte a évolué » a ainsi objecté le rapporteur Philippe Dominati (Les Républicains), demandant le rejet pure et simple du texte en commission. « Compte tenu des risques en termes de compétitivité pour nos entreprises, la réflexion et le débat autour de l’introduction de déclarations d’activités publiques ne peuvent se faire qu’à l’échelle européenne. »
L’intéressé a été rejoint par les sénateurs socialistes. « Nous ne sommes pas opposés au reporting des entreprises, qui va dans le sens d’une plus grande transparence » a ainsi commencé Richard Yung (PS). Avant d’ajouter : « Il s’agit plutôt d’une question de calendrier et non pas d’opposition sur le fond. Il faut que ces règles soient établies en coordination, non seulement avec les autres États membres de l’Union européenne – la proposition de la Commission européenne va dans ce sens, même si des débats subsistent sur sa date d’entrée en vigueur –, mais aussi avec les États-Unis et le Japon. »
L’écologiste André Gattolin est toutefois venu en renfort des communistes, exhortant ses collègues de la commission à ne « pas se cacher éternellement derrière cet argument de la compétitivité. L’affaire LuxLeaks nous rappelle qu’en vingt ans on a laissé le Luxembourg devenir un État « voyou ». La France, qui occupe la quatrième place mondiale en termes d’implantations d’entreprises, doit poser des règles. Si nous souhaitons un accord à vingt-huit, je crains que nous n’ayons à attendre encore longtemps ».
Pas de mise en œuvre avant plusieurs années
L’instauration des obligations imaginées par Bruxelles doit en effet passer par le Parlement européen, ce qui fait dire à certains observateurs qu’une mise en œuvre ne semble guère crédible avant 2019. De plus, il n’est pas prévu que les entreprises concernées (c’est-à-dire celles disposant d’une filiale dans l’UE et dont le chiffre d’affaires net consolidé dépasse les 750 millions d’euros) soient tenues de diffuser leurs informations fiscales et financières dans un format libre et ouvert – conformément aux principes de l’Open Data, mais sous forme de simples rapports que chacun devra aller récupérer sur leurs sites Internet respectifs…
Au-delà des arguments « procéduraux » mis en avant par les sénateurs de la commission des finances, le fond du texte déposé par les sénateurs communistes faisait grincer des dents certains parlementaires. « Le seuil de 40 millions d’euros de chiffres d’affaires annuel, bien inférieur aux 750 millions d’euros proposés par la Commission européenne, englobe un trop grand nombre d’entreprises » a par exemple regretté Philippe Dominati. Selon lui, il existe d’autre part « un doute » quant à la constitutionnalité du dispositif de déclarations publiques prévu par la proposition de loi d’Éric Bocquet.
Son texte sera malgré tout examiné demain en séance publique, à partir de 14h30. Ses chances d’adoption paraissent néanmoins extrêmement minces – sinon nulles.